mercredi 3 février 2010

Le Serpent mythique


Le Serpent mythique
L’Arc en ciel
Le Soleil et la Lune


Thomas KOUNDÉ




La peinture n’a pas seulement le Corps, elle a le Cœur, la Tête et l’Esprit.

Chercher la tradition n’est pas un retour au passé, car la tradition, c’est la vie. Une fois qu’il a retrouvé la tradition, le peintre peut retrouver la création dans son principe et en percevoir le secret. La tradition est rattachée à un phénomène vital et non à l’histoire.

« L’artiste sans cesse occupé à contempler la Création, rend au Créateur un perpétuel hommage. »
Léonard de Vinci




 
Les articles suivant correspondent aux textes et aux oeuvres reproduites dans le livre intitulé " Le Serpent mythique, l'Arc en ciel, le Soleil et la Lune" . La première édition sur papier réalisée en 2009 par l'auteur Thomas Koundé est limitée à 100 exemplaire.

Table des matières :

1 Avant propos

L’initiation conduit à une existence différente en accord avec soi et conforme au destin enfin reconnu et librement accepté par l’adepte. Dans l’initiation Vodou, l’art occupe une place centrale dans les rites et la transmission du sens de la vie. Il a une signification spirituelle, comme la lumière de la connaissance qui éclaire les ténèbres de l’ignorance; il représente différentes parties de l’histoire de la création.
La construction de cette forme de pensée est marquée du sceau de l’arc-en-ciel : le serpent de la connaissance. C’est une idée éternelle vivante sous une enveloppe énigmatique qui suggère l’éternelle question: « Que sais-je, que suis-je, que serai-je, d’où viens-je, où suis-je, où vais-je ?
La réponse se trouve dans l’image changeante du réel, dans l’essence du vide. La vérité ne peut être appréhendé que par le silence du mental. C’est par la plénitude que se révèle la vérité qui vit en chacun de nous. Dans le cœur, quand l’esprit la cherche, dans l’esprit quand le cœur l’exprime.

2 Préface

La peinture a permis à la civilisation noire africaine, de tradition principalement orale, de garder les traces du passé, tout en transmettant le souvenir du temps des rêves qui lui ont permis d’élaborer une représentation du monde et de la nature, mais également une conception de l’humanité. La vie de relation a permis à l’homme de s’adapter, de grandir et de parvenir à maturité, de vieillir et de mourir en balisant le chemin au demeurant de la terre des hommes.
Les Masques et autres objets rituels rassemblés sous la rubrique Art noir africain, que nous retrouvons dans les collections privées et dans nos Musées sont les empreintes de cette quête de vérité. Ces différentes traces qui nous sont parvenues sont le fruit de cette recherche.


« Chercher n’est pas une chose et trouver une autre, mais le gain de la recherche, c’est la recherche elle-même ».
Saint Grégoire de Nysse (355, +394).

3 Thomas Koundé

Thomas Koundé est un artiste béninois au talent multiforme qui s’inscrit dans la continuité de cette recherche. Ses deux passions : la peinture et la musique. Son enfance est bercée par les rythmes vodou et les secousses vibratoires provoquant les transes des adeptes. Musicien, il s’initie au rythme vodou dans le but de rendre vibrant l’image. Le rythme, c’est l’énergie de l’image, l’essence magique, l’expression de la source vitale, le choc vibratoire qui nous saisit à la racine de l’être.
Artiste peintre, il s’inscrit dans la tradition de l’image dans la civilisation orale africaine. Son œuvre est alors comparable à une pièce de monnaie avec ses deux faces : une face énigmatique déployée dans le seul monde visible, il s’agit de l’image qui exprime les réalités qui soutiennent les apparences; l’autre face est tournée vers les initiés. Il présente ici, une mise en espace de la spiritualité vodou.
Les œuvres décrivent une trajectoire initiatique dans une dramaturgie de l’irréel. Elles laissent entrevoir les éclats de la spiritualité vodou dont la pleine jouissance implique l’initiation.
De l’art pictural au masque, le vodou établit la relation de l’initié à l’universel. Cette spiritualité rejoint dans une confrontation bénéfique et enrichissante le christianisme. Le panthéon vodou n’exclut pas l’unicité de la transcendance. De ce fait cette confrontation traverse toute la production artistique de Thomas Koundé.
Dominique MBOUKOU

4 Introduction

Le secret, si longtemps tu sur l’originalité du processus de la création animiste vodou, sur ses manifestations, nous révèle un véritable choc initiatique, dont les rites, les objets, les fétiches, les masques et les parures, les initiés et les cérémonies ont gardé l’empreinte.
Dans la cosmogonie vodou, le serpent mythique est une manifestation de l’énergie vitale. C’est la trame du cheminement que l’homme doit suivre pour accéder à la considération poétique des lois de la structure de l’univers afin de comprendre les rapports existant entre l’univers et tous les êtres réels.
Sous l’aspect du serpent mythique, l’arc en ciel était au service de la divinité créatrice. Au commencement, la divinité, créateur de toute chose se déplaçait dans la gueule du serpent qui la menait où elle désirait. Les ondulations du Serpent mythique du Vodou marquent d’un sceau secret la création du monde, avec les couleurs de l’arc en ciel.
Jaune comme l’Or astral, perpétuels flux et reflux remplissant tout l’univers avec ses particules solaires que nous respirons continuellement, qui pénètrent nos entrailles.
Bleu comme l’eau : la source de toute vie terrestre, comme le spectre de la mort en attendant le fluide d’une nouvelle naissance.
Rouge comme la pierre qui porte le signe du soleil. Comme le sang qui coule dans nos veines, comme la mutation de l’énergie et sa matérialisation par l’action de l’homme.
Vert comme la fusion du jaune et du bleu. Le vert évoque le secret des secrets du principe vital, qui se manifeste par les multiples instincts dont la créature a besoin pour survivre, dans la mouvance du temps. Vert comme le végétal avec sa légendaire volition se tourne vers le soleil dès que la lumière apparaît, pour capter son énergie qu’il transforme dans son laboratoire secret à l’abri du regard. Grâce à la synthèse de glucide, le végétal libère l’Oxygène indispensable à la vie, en se renouvelant sans cesse.
Orangé comme la fusion du Jaune et du Rouge, image de la structure mentale, de l’intelligence. La connaissance par laquelle l’initié dépasse la dualité existentielle : la vie et la mort. L’Orange pousse à l’optimisme et réjouit l’âme.
Violet comme une nécessité intérieure, comme un sentiment qui vient habiter un être humain lorsqu’il se découvre en rapport direct et immédiat avec la vérité, sans l'aide du raisonnement mais juste par : « l’intuition ».

5 L’esprit de la Création dirige le geste de l’homme

Entrons ensemble dans l’intimité de la cosmogonie Vodou pour découvrir ce que cache ce monde dans lequel prend forme le masque. Avec un vécu mouvant qui oscille entre chants et danses, rites d’initiation, transmission de savoir et de savoir faire, l’esprit de la création: un ensemble des mythes décrivant la naissance de l'univers, l’énigme que constitue l’existence humaine, l’initiation aux lois de la vie et au sacré, tel est le fruit du travail pictural livré ici à travers la présentation d’œuvre sur l’identité de l’initié et le Masque.
… Les thèmes qui sont abordés dans mes oeuvres se sont ébauchés dans mon enfance. Ils concernent d’une part les contenus spirituels véhiculés par les atmosphères des cérémonies Vodou et d’autre part l’aura mystérieuse qui accompagne la vision hallucinatoire des masques. Plus généralement, il concerne les objets de cultes.
Tout ce vécu m’a donné le sentiment d’avoir découvert un secret redoutable, d’avoir en quelque sorte pénétré l’intimité du vodou pour accéder au grand secret de la vie et de la nature de l’homme. Cette idée ne m’a plus jamais quitté. Toute ma jeunesse a été placée sous ce signe.
Si le vécu de ce secret fut douloureux et angoissant, c’est cependant sur lui que je prends appui pour étayer une quête qui va durer toute ma vie.
Dans la cosmogonie Vodou, l’arbre de la vie qui s’enracine sur la terre des hommes est renversé, les racines se trouvent dans la tête de l’homme et de la femme, dans la « mémoire archaïque du créateur » qui porte les fruits de l’imaginaire, les projets de l’humanité et leur rejeton : l’œuvre.
Les racines de l’arbre de la vie se trouvent dans la voûte céleste, au sommet de la tête, dans la fontanelle : c’est le règne de « l’imaginaire active » Pour l’initié Vodou, ce que le christianisme signe « au nom du père » n’est pas un délire hallucinatoire vécu avec intensité, mais l’esprit du créateur et de la création qui contribuent au devenir de notre humanité.
C’est ainsi que prennent forme nos projets et leur élaboration. Rêver suffit. Il est question ici de la virtualité créatrice du cycle évolutif, germe ou ferment du dynamisme universel. Transposé au quotidien « l’imaginaire active » se mue en messager qu’on n’attend pas, ce qui exige la vigilance de celui auquel le message est destiné. Alors que « le nom du fils » c’est la tête du serpent mythique, le sacré cœur du christ, le cœur de l’homme.
La croix n’est-elle pas l’entrecroisement du vertical « de l’esprit » et de l’horizontal « le corps » ? Il y a tellement de similitude entre ces deux conceptions de l’homme et de la divinité créatrice, entre le christianisme et l’animisme : croyance religieuse dans laquelle tous les êtres vivants, et même les objets, disposent d'une âme. Si à la place de l’âme nous mettrons « entité », Alors nous soumettons une correction à notre entendement. L’énergie est bien une réalité abstraite.
Tous les êtres vivants, et même les objets ne disposent-ils pas d’une énergie propre ? Le flux de l’énergie et cycle de la matière ne sont-ils pas des éléments biogènes indispensables à la constitution de la matière vivante? c’est la base du fonctionnement de l’écosystème.
Ce sont des questions que nous sommes en mesure de nous poser, afin de mener à bien l’œuvre de notre existence. Mais avant tout « Silence ! » Place au silence, à la neutralité du regard pour cheminer vers l’œuvre, pour se mettre en sa présence et essayer de percevoir et de ressentir ce qui s’y joue. Le silence est en effet nécessaire pour se tenir à distance.