mardi 2 février 2010

8 Quelle peut être la place du peintre dans cette construction ?

Nous sommes en mesure de penser avec Goethe que : « Le peintre est un homme qui n’est pas simplement devant les choses mais il s’intéresse à la communication qui s’établit entre elles, avec une réalité qui représente leur essence magique. C’est ici l’art de produire des effets inexplicables, une réalité qui n’est pas un objet. »
De la même manière qu’un homme appelé à être artiste s’intéresse vivement à tout ce qui l’entoure, les chants, les danses, tous les éléments symboliques dont les masques se composent ont attiré mon attention, c’est ce qui motive ce choix initial : une approche compréhensive du mystère qui entoure ces évènements ritualisés. C’est aussi ce qui produit l’éveil de ma sensibilité. Je me suis exercé peu à peu à observer, avec une acuité toujours plus grande.
Verba volant, scripta manent, dit le proverbe : « La parole s’envole, mais les écrits restent ». Pourtant, si la parole vole, elle ne se reprend pas : « ce qui est dit, est dit ». Une fois lâchées, les paroles se répandent partout, aussi difficiles à rattraper que les plumes d’un oiseau.
La civilisation orale aurait pu dire : la parole s’envole, mais les images prennent forme dans le sujet agissant. Ce qui ne veut pas dire que le sens caché est accessible. Ces images qu’offre la civilisation orale africaine, sont une manière de rendre brusquement visible et brusquement muette, une manière de cacher un message et de le confier à la mémoire collective, à une mémoire extérieure qui ne fait pas de bruit, comme endormi dans une attente, de celui qui saura trouver, parce qu’il connaîtra les codes permettant de les faire revivre.
L’image dans la civilisation orale africaine est alors comparable à une pièce de monnaie avec ses deux faces : une face énigmatique déployée dans le seul monde visible, et une face lisible tournée vers ceux qui savent. Il arrive alors que le code qui régit les images du monde noir africain soit brouillé, occulté, dissimulé aux profanes, quand le message est destiné aux dieux et aux esprits sacrés. Pour des raisons de « transmission de savoir ludique » le code peut être réservé à quelques initiés. De la sagesse et de l’éthique sont indispensables pour manipuler certaines images qui, tout compte fait, sont des instruments de conditionnement opérant dans l’acte d’apprendre. De la même manière qu’on apprend à protéger la vie, l’on pourrait apprendre à la détruire, c’est ce qui explique que certains codes ne sont pas délibérément confiés au premier venu.
En définitive, l’artiste qui participe à la création de ces images, n’est pas appelé uniquement à représenter la surface d’une apparence, mais une totalité vivante qui parle à toutes nos forces spirituelles et sensibles. Une totalité qui suscite notre désir, élève notre esprit et dont la possession nous rend heureux. Une entité qui est pleine de vie vigoureuse parfaitement formée et belle. C’est vers cela que l’artiste doit tendre. La réflexion est donc nécessaire afin que la forme, la matière et le contenu s’accommodent, s’intègrent et s’interpénètrent. De la sérénité et de la conscience, voilà les beaux présents pour lesquels l’artiste remercie le créateur : de la conscience afin qu’il ne soit pas saisi de frayeur devant l’horreur et enfin, de la sérénité afin qu’il sache représenter tout de manière agréable.
Dans l’univers Vodou, tout est vibration. Toute action, tout geste, tout mouvement, toute pensée engendrent des vibrations indéfinies qui se répercutent dans le monde entier et qui participent à sa création. Pour vibrer à l’unisson de cette culture, il me faut prendre le bâton de pèlerin, de jour comme de nuit, marcher dans les sillons du passé, en me rapprochant le jour des sages qui détiennent le savoir ancestral, et en puisant la nuit dans le réceptacle de ma mémoire onirique, c’est dire la volonté délibérée, doublé du rêve qui conduisent cette quête de lumière pour éclairer ces traces.

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