Dans la civilisation noire africaine, la parole vole comme un oiseau. Elle jaillit comme une flamme, elle est présence, instantanéité, fulgurance, elle persuade et elle agit, elle convainc ou suscite la contradiction, l’éveil ou le dialogue… Cette oralité, pour se fixer dans la mémoire collective, s’est servie du support que représente l’image. Elle a pris la forme de la peinture rupestre qui obéit à des règles propres.
Au Bénin, les images qui véhiculent les traces des faits marquants de l’histoire sont communément appelés « les tentures d’Abomey ». Elles prennent la forme d’appliqués de coton tissé et coloré avec les couleurs de l’arc-en-ciel.
Les éléments scéniques s’organisent sous la forme d’espaces qui se suivent les uns les autres pour former une suite d’évènement. Une sorte de conjonction des espaces. Cet ordre commence le plus souvent par la genèse des événements, il se poursuit comme une carte désignant des lieux, où certains évènements cruciaux se sont déroulés. Il est aussi question de règles qui prennent la forme de totems, des signes qui correspondent à des entités, groupe humain ou un caractère animal etc.
Ces traces colorées représentent probablement la première tentative de l’homme, les premières traces marquées dans la matière, pour l’aider à se souvenir des évènements les plus marquants de la vie.
L’élaboration de la forme et l’utilisation des couleurs ont été à l’origine de l’expression et de l’encodage de la mémoire. La parole s’est d’abord fixée dans les chants contribuant largement à la diffusion des principes et des préceptes fondamentaux pour la protection de la vie et la survie de l’espèce.
Dans le panthéon Vaudou, les différentes cérémonies ont d’abord une fonction sociale de transmission des savoirs et des savoirs faire. La manifestation de l’esprit sacré procède par l’objet rituel, le fétiche et le masque. A travers un processus d’initiation, la réflexion autour de la conception de l’objet rituel, les scénarios ritualisés, les paroles véhiculées par les chants qui accompagnent toutes les occasions de la vie quotidienne. Toutes ces composantes ne sont en fait que des séances d’apprentissage, dont le rôle est de fixer les images fortes dans la mémoire collective, ce sont des outils cognitifs pour prémunir des dangers provenant de la nature qui n'a pas encore été apprivoisé par l'homme.
Une nature sauvage qui renferme ses secrets, Cette nature naturante pour faire référence au terme philosophique, qui caractérise chez Spinoza, "le monde en tant que substance infinie" ne demandait qu’à être dompté pour assurer la survie de l’espèce.
L’exemple de l’eau potable indispensable à la vie, à l’activité des pêcheurs et des potiers, suffit à lui seul pour illustrer la maîtrise indispensable des éléments créateurs : le feu et l’eau, l’air et la terre.
L’initiation est ici le processus qui permet à l’homme d’apprivoiser la nature en ayant pour repère le couple d’opposés que nous créons par la pensée, comme : l’efficace et l’inefficace, la plénitude et le vide, le vivant et la mort, le différent et l’identique, le clair et l’obscur, le chaud et le froid, l’énergie et la matière, le bien et le mal, l’un et le multiple, en résumé le soleil et son miroir la lune.
Le soleil est le milieu subtil et impondérable imprégnant tous les corps qui vibrent sous l'effet des ondes lumineuses. Sous la forme de l’arc-en-ciel, il représente la matérialisation du spectre de l’énergie vitale, l’essence de toute création. La lune, quant à elle, est la matrice spéculaire, le moule servant à reproduire l’empreinte du créateur.
C’est ici l’idée du cycle infini qui se renouvelle sans cesse, pour l’homme et la femme, le seul repère du temps qui s’écoule inexorablement, le jour et la nuit, le jour le plus long "solstice d'été" et le jour le plus court "solstice d'hiver", les saisons qui se suivent et ne se ressemblent pas, le cycle mensuel du premier croissant lunaire à la pleine lune; le mois, notre repère temporel.
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