Les années de mon enfance ont vu naître dans la tête du jeune garçon Thomas, le besoin de comprendre un certain nombre de choses contradictoires. Le conflit provenait de l’écart qu’il y a entre l’éducation judéo-chrétienne qui est fondatrice de mon identité et tout le passé, l’art africain et son puissant pouvoir émotionnel. C’est sur le terrain de l’émotion que cheminent mon apprentissage et mon initiation, la possibilité de focaliser et de diriger les énergies subtiles, qui vont me permettre de révéler l’intérieur des choses à partir de l’observation de l’extérieur : atteindre le « Noumène »: la réalité intelligible, l’essence magique d’un phénomène.
Du désir de partager les sensations que j’ai vécues pendant ces belles années, est né l’esprit de la création qui a pris possession de mes gestes pour transmettre cette mémoire des évènements situés.
Les atmosphères idylliques entre l’homme et la matière : les odeurs de la terre quand il se met à pleuvoir, tous ses vêtements d’initiés au millier d’éclats, blanc, bleu indigo, jaune, orangé, rouge et vert, le rythme des tambours battant jusqu’au bout de la nuit, les séquences de transe à vous faire perdre le souffle, toute ces émotions sont rendues sensibles dans l’expression artistique que j’ai pris le temps de construire comme un langage d’initié.
« C’est avec un travail solitaire que j’ai construit ma propre expression plastique. » je me nomme Thomas Koundé, je suis né au Bénin en 1957, « à cette époque le Bénin s’appelait le Dahomey, certains racontent que le pays où je suis né, était le quartier latin de l’Afrique, ». En effet il y avait beaucoup d’intellectuels qui provenaient de ce creuset, point de rencontre d'influences, de cultures diverses Vodous.
A Ouidah, la ville chargée par l’histoire de la traite des esclaves, où je suis né, j’ai baigné dans l’univers hermétique du Vaudou et il y a toujours une tension entre mon éducation chrétienne et le sentiment qui m’anime, ma fascination pour l’art africain. Ce climat participe à mon émerveillement. Cette contradiction est le moteur qui anime cette démarche compréhensive. A partir des années quatre vingt 1980, commence mon désir d’élaborer un langage qui traduise le sens du vécu, du rythme, c’est l’inauguration d’une expression propre. Une impression pouvant illustrer à la fois les différentes harmoniques de plages colorées en mouvement pendant les cérémonies vaudous. Permettez-moi d’utiliser le terme harmonique qui est plus approprié à la musique pour traduire cette musique des couleurs en mouvement, le rythme qui anime ces plages colorées, contribuant à l’émergence d’un langage, d’une voix intérieure.
…C’est en regardant, en écoutant les gestes, les traces, les empreintes laissées par « le faire » du créateur pour approcher le vide, la matrice, que j’ai entrevu une voie.
Le vide du langage nous introduit en direct dans le champ du geste, c’est ainsi que l’esprit de la création dirige le geste de l’homme.» L’acte de peindre prend une dimension dominante et ne fait plus qu’un avec la représentation : comme si le but à atteindre avait été de projeter les ondulations de l’énergie en tâches et en traces de couleur sur une toile blanche, un état émotif particulier du corps par ce mouvement et ces couleurs-là.
L’acte de peindre est recherché dans son geste primordial, juste le désir de puiser au plus profond des sources de la pulsion originelle, entraîné par le rythme de cette pulsion même, une fois en mouvement.
L’artiste est alors le conducteur d’un mouvement que son corps arrive à transmettre, en donnant une impression d’ordre interne, de nécessité dans un chaos apparent. Dès lors l’artiste est prêt à assumer l’état de grâce dans l’élaboration de l’œuvre.
Thomas appelé à être initié est devenu à son tour créateur d’images symboliques. Il a osé braver les conventions pour voir et pour comprendre. En essayant de traduire le Beau, le Bien et le Vrai au niveau choisi, Il est conscient d’être dans son corps, le point de jonction de la Matière et de l’Esprit, reflétant l’Ordre Souverain dans le monde sensible.
La possibilité qui lui est offerte de transformer les forces instinctives en forces créatives, lui permet de toucher la nature par la pointe de l’esprit.
Désormais, il ose s’abandonner à la conscience profonde, de ce qui est essentielle. Connaître pour œuvrer dans l’amour né de la compréhension de l’interdépendance de toute chose.
Se taire lorsque les paroles sont inutiles.